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En 2011, l’INRA et le CNRS ont publié une étude sur les VrTH qui a mis en avant des risques de contamination des parcelles voisines, similaires à ceux liés aux OGM. Ces mêmes risques avaient d’ailleurs poussé le gouvernement à suspendre en 2008, le colza transgénique.
Alors que les OGM ont été interdits en France il y a dix ans, les « faucheurs volontaires » ont ressorti leur faux. Depuis 2010, ils sont engagés dans une nouvelle lutte contre ce qu'ils appellent les « nouveaux OGM ».
Les OGM de retour dans le débat public ? Ces 5 et 6 avril, 36 militants anti-OGM devaient se rendre à la barre du tribunal de Dijon pour avoir détruit plusieurs parcelles de colza en Côte d’Or, le 28 novembre 2016. Finalement repoussée à une date ultérieure, leur comparution mérite que l’on s’y attarde, surtout devant l’importance des enjeux qu’elle soulève. Les « faucheurs volontaires » incriminés n’avaient, pour une fois, pas focalisé leur lutte contre des plantes à l’ADN directement modifié. Dans leur viseur ce jour-là, du colza qui ne trépasse pas au passage de désherbant. Des VrTH (pour Variétés rendues tolérantes à un herbicide) que les militants surnomment « les nouveaux OGM », ou encore les « OGM cachés », et qu’ils ont prises comme nouvelle cible de leur combat, dix ans après avoir réussi à faire interdire la culture d’OGM sur le territoire français.
À une décennie d’intervalle donc, la lutte des « faucheurs » vise une nouvelle cible, mais les desseins et les acteurs du combat sont bien les mêmes : défendre la préservation de l’environnement contre les semenciers pourvoyeurs d’OGM et de VrTH. « Nous sommes dans la même situation qu’en 1998 », haute époque de la lutte contre les OGM, estimait en 2015 dans le Journal de l’environnement Patrick Rivolet, porte-parole d’un collectif visant à protéger la biodiversité et les abeilles, les papillons et autres pollinisateurs. La question qui se pose sera de savoir si le combat contre les « nouveaux OGM » aura le même dénouement que le précédent.
À l’époque, la médiatisation réussie des procès des « faucheurs volontaires » avait en partie contribué à diaboliser les OGM. Mais pendant que les sénateurs français discutaient des problèmes soulevés par ces organismes, les semenciers (avec le groupe BASF en tête) préparaient déjà ces « nouveaux OGM ». En 2009, au lendemain de la contestation contre les OGM et leur interdiction, les VrTH inondaient déjà le marché.
Le terme OGM largement contesté
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De fait, la bataille qui se joue aujourd’hui autour des VrTH est autant sémantique que scientifique : sont-elles oui ou non des OGM ? De leur définition dépend largement l’avenir de la filière et les géants de l’agroalimentaire en sont bien conscients. À la différence des OGM, les VrTH ne sont pas issues de la transgenèse (introduction d’un gène extérieur), mais de la mutagenèse, un procédé qui repose sur les modifications d’un gène par un procédé naturel ou non. Dans le cas du colza et du tournesol RTH, les seules plantes autorisées en France, les semenciers comme BASF ou LG Semences ont transformé en laboratoire les gènes de ces deux plantes en leur projetant des rayons X, des agents chimiques ou des pesticides. Ils ont ainsi provoqué des mutations afin que leur génome intègre un trait de tolérance à un herbicide – produit qui la plupart du temps est également vendu par ces mêmes géants de la chimie.
Ces derniers jouent donc sur l’image de ces plantes mutées et contestent l’appellation d’OGM, qui les rangeraient dans la catégorie maudite, maintes et maintes fois combattue au début des années 2000 : « Cette nouvelle caractéristique a été introduite dans les lignées de tournesol en appliquant les méthodes de sélections conventionnelles, il ne s’agit pas d’un OGM », clame BASF sur son site Internet. Un distinguo repris à son compte par la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, qui au lendemain du fauchage d’un champ de colza RTH en Isère, en juillet 2012, avait assuré que « les “faucheurs volontaires” jouaient à nouveau sur la confusion entre “mutagenèse” et “transgenèse” pour affoler l’opinion… et surtout pour faire parler d’eux ».
Dans les années 2 000, Monsanto et son maïs transgénique étaient les cibles privilégiées des anti-OGM. Aujourd'hui, ce sont BASF et son tournesol RTH. (Illustration CC by Rob Kall)
Les OGM étant interdits dans la plupart des pays européens, les semenciers se sont rabattus sur ce nouveau marché. En France, la culture de tournesol RTH a explosé ces dernières années selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Agriculture à Info’OGM. En 2016, avec ses 160 000 hectares, elle représentait 27% de la surface totale cultivée en tournesol, contre 5% six ans plus tôt… Même phénomène du côté du colza RTH : sa surface cultivée a plus que doublé entre 2015 et 2016, pour atteindre 37 000 ha.
Devant l’expansion de ce phénomène, les « faucheurs volontaires » ont repris leur faux et leur ancienne tactique. Les fauchages de tournesol et de colza RTH ont repris comme au début des années 2000 : en Anjou, en Charente-Maritime, en Bourgogne, dans l’Hérault, en Moselle, et en Côte-d’Or, accompagnés de la revendication collective des actions afin d’ouvrir les procès comme autant de tribunes médiatiques
L’Europe en arbitre ?
Mais du côté de Bruxelles, la confusion règne et l’on entend peu la voix de l’Europe. La réglementation européenne en la matière reste ambiguë : d’une part, elle considère la mutagenèse comme une technique de modification génétique, donc comme un OGM ; et d’autre part, elle exclut celle-ci de son champ d’application. C’est-à-dire qu’à l’inverse des « vrais OGM », « les nouveaux OGM » sont exemptés des obligations en matière d’évaluation, d’autorisation de mise sur le marché, de traçabilité et d’étiquetage. Et c’est justement ce qui pose problème aux associations de protection de la nature qui craignent, comme auparavant, des contaminations de parcelles voisines, notamment avec le colza.
Dans Terra Eco, Corinne Lepage, l’ancienne eurodéputée démocrate-libérale, critiquait l’ambiguïté européenne : « Les fabricants d’OGM ont réussi à mettre tout le focus sur la transgenèse, de manière à obtenir de la réglementation qu’elle passe complètement à côté de la mutagenèse. En gros, ils se sont laissé un champ d’action, une porte de sortie ».
Les fabricants d’OGM ont réussi à mettre le focus sur la transgenèse, ils se sont laissé une porte de sortie
Mais d’ici quelques semaines, l’Europe devra bientôt sortir de son mutisme. Le 3 octobre 2016, le Conseil d’État français a renvoyé la balle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour répondre au recours formulé par neuf associations écologiques en 2015. Les juges devront trancher : les VrTH constituent-ils des OGM et sont-ils soumis à la même réglementation que les autres ?
Les anti-OGM risquent fort d’être déçus… À l’époque, à la fin des années 2000, les débats européens sur les plantes transgéniques n’avaient pas abouti au consensus. La Commission européenne avait laissé le choix à chaque État membre de légiférer par lui-même, écartant de facto une interdiction applicable sur tout le territoire européen. Aux dires de l’avocat général de la CJUE, les réponses européennes d’aujourd’hui semblent se dessiner dans la droite ligne de celles d’hier. En attendant, les « faucheurs volontaires » n’ont pas fini de faucher
Le mécontentement gagne du terrain dans toute la France. Blocages routiers dans le Gers ou le Tarn-et-Garonne, villages mis en vente sur Le Bon Coin dans l’Aude, rassemblements dans le Béarn ou lisier déversé dans les Deux-Sèvres…
Depuis l’annonce par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, du projet de réforme de la carte des zones défavorisées « simples » (hors zones de montagne), syndicats et agriculteurs s’inquiètent des conséquences potentielles de son remodelage, dont le projet définitif doit être présenté ce jeudi à la Commission européenne. Ce classement, initié en 1976 dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) pour compenser les handicaps naturels (climat, pente, qualité des sols…) ou socio-économiques dont souffrent certains territoires agricoles, permet aux exploitants installés dans ces zones de percevoir une indemnité dite « compensatrice de handicap naturel » (ICHN). Son coût ? 1 milliard d’euros par an rien que pour la France, inscrits au budget annuel de la PAC.
Depuis sa création, les critères d’attribution de ces aides n’ont cessé de faire l’objet de critiques. En interne, plusieurs rapports de la Commission européenne et de la Cour des comptes européenne dénoncent régulièrement « l’hétérogénéité des pratiques » d’un pays à l’autre. Surtout, ces critères, restés inchangés depuis quinze ans, sont jugés obsolètes. C’est pourquoi l’Union européenne a imposé huit nouveaux critères biophysiques et climatiques communs à toute la zone euro, qui impliquent pour tous les états membres un remodelage en profondeur de la carte des zones bénéficiant de l’ICHN.
Une part essentielle des revenus
En discussion en France depuis 2013, la nouvelle carte arrive désormais devant la Commission européenne. Sa mise en application ? Dès le 1er janvier 2019. À première vue, les agriculteurs français sortent gagnants de la réforme pensée par le nouveau ministre, Stéphane Travert. Selon les estimations provisoires du ministère de l’Agriculture, 60 000 agriculteurs pourraient bénéficier de ce remodelage, contre environ 52 000 actuellement, soit une augmentation de 13%. Mais dans le même temps, la révision des critères de définition de ces zones devrait exclure 1 349 communes du classement, et donc les priver de l’indemnité. Interrogé sur Europe 1le 18 février dernier, Stéphane Travert a reconnu que de nombreux agriculteurs allaient « perdre de l’argent ». Tout en assurant que l’État les accompagnerait par des mécanismes de soutien dans cette transition qui s’annonce difficile.
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Difficile, le mot est faible. En décembre 2016, l’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, également contraint par la Commission européenne à repenser la définition des zones défavorisées, avait dû affronter l’hostilité de nombreux exploitants effrayés par les pertes financières induites par une sortie potentielle du classement. Dans le département du Lot, l’enjeu était même considéré comme « vital ». En novembre 2016, le quotidien régional La Dépêche était allé à la rencontre de Richard et Jean Claude Marty, deux exploitants agricoles catastrophés par la réforme annoncée par Stéphane Le Foll. La nouvelle carte proposée par le ministre excluait de fait 110 communes du Lot, – dont la leur, Lalbenque -, du classement des zones agricoles défavorisées. Les deux frères, raconte alors La Dépêche, possèdent à l’époque « 248 ha de foncier dont 25 de céréales, 84 en prairies temporaires et 139 en parcours [qui] leur permettent de conduire un cheptel ovin de 320 têtes et un cheptel bovin de 35 laitières ». L’ICHN représente pour eux « 13 % du chiffre d’affaires, un tiers de l’excédent brut ».
Patate chaude
Bien que considérable, la part prise par cette indemnité dans leurs revenus se situe pourtant dans la fourchette basse de la moyenne française. Le montant de l’ICHN annuel oscille entre 35 à 450 euros par hectare, soit de 1 700 à 21 500 euros par bénéficiaire. Dans les faits, pour beaucoup, cette indemnité est donc devenue la principale source de revenus. Selon le ministère de l’Agriculture, l’ICHN pourrait représenter « 30 à 60% du revenu des agriculteurs, voire 80% dans certaines zones se trouvant en haute altitude ». C’est pourquoi, pour André Delpech (syndicat ovin), interrogé par La Dépêche, « la sortie de la zone défavorisée est une catastrophe, car il n’y a pas ici de marge de manœuvre et ça va plomber l’installation de jeunes agriculteurs ».
Une catastrophe finalement évitée. Stéphane Le Foll revoit sa copie (pour la cinquième fois !) et propose une nouvelle refonte de la carte, en avril 2017. Mais sa marge de manoeuvre reste extrêmement faible : en dehors des huit critères imposés par l’UE, les états ont certes la possibilité de définir des critères susceptibles de s’adapter aux spécificités biophysiques et socioéconomiques propres à chaque pays, mais jusqu’à concurrence de 10% de leur territoire national. Un moyen de maintenir les communes qui en auraient besoin dans un zonage « bis » : les « zones soumises à d’autres contraintes spécifiques » (ZSCS). Parmi ceux retenus par Stéphane Le Foll en avril 2017, on trouve l’autonomie fourragère, la polyculture-élevage et la déprise agricole. Mais ces nouveaux critères excluent tout de même 10% des territoires du classement des zones défavorisées.
Depuis la création de l'ICHN, les critères d’attributions de cette aide n’ont cessé de faire l’objet de critiques.(Illustration CC BY - Bark)
Un moindre mal, estime Éric Andrieu, député européen, qui juge bien plus sévèrement la réforme du successeur de Stéphane Le Foll, Stéphane Travert. « On nous dit que les agriculteurs seront plus nombreux à bénéficier de ces aides. Ce n’est pas le problème », commente-t-il pour L’Indépendant. « Ce qui est important, c’est la qualité des agriculteurs, pas leur nombre. L’ICHN est faite pour compenser le handicap. S’ils n’en ont pas besoin, c’est un non-sens. Ils sont en train de nous inventer l’indemnité compensatoire au non-handicap naturel. Nous disons : ne videz pas totalement les zones fragiles. Ceux qui restent sur ces territoires ont besoin de ces aides. »
Une demande également formulée par Édouard Forestié, président des Jeunes agriculteurs du Tarn-et-Garonne, dans une interview accordée au journal L’Humanité. « Ce coup de pouce de l’État a jusqu’à présent favorisé la diversité des exploitations et des paysages », explique-t-il. « Cela a surtout maintenu l’élevage dans des zones difficiles. Retirer cette aide serait donc la mort de celui-ci chez nous. » Dans le Tarn-et-Garonne, constitué en grande partie de petites exploitations familiales, « retirer cette aide serait une aberration et se trouverait en contradiction avec la volonté affichée d’une agriculture plus durable. Si on leur retire cela de but en blanc, c’est un modèle économique vieux de quarante ans qui s’effondre avec rien derrière ».
Le ver est dans le fruit
La disparition annoncée des petites exploitations familiales, une conséquence de la PAC que ces mécanismes d’indemnisation devaient pourtant empêcher. N’avaient-ils pas été créés pour endiguer le mouvement de concentration des exploitations dans les territoires présentant les meilleures conditions de production ? Dès 1992, l’agronome Gilles Bazin, professeur émérite de politique agricole à l’AgroParisTech et membre titulaire de l’Académie d’Agriculture de France, pointait l’incapacité de l’indemnité à enrayer l’accroissement des inégalités territoriales et économiques au sein de l’UE.
Un peu plus de dix ans plus tard, le lancement de la « nouvelle PAC », en 2014, le rendait tout aussi dubitatif. « La nouvelle PAC de 2014 réforme à la marge un système d’aide fondé depuis trente ans sur le nombre d’hectares exploités (en propriété ou en fermage) et non sur le niveau réel des revenus des agriculteurs et leur évolution », expliquait-il au mensuel Alternatives économiques. Avec pour conséquence la « concentration foncière et à la céréalisation de l’agriculture française, destructrice d’emplois et de valeur ajoutée ».
L’agronome invitait donc à dépasser la seule logique compensatoire des ZDS pour réfléchir à une refonte de l’esprit même de la PAC : « pour consolider une agriculture diversifiée et créatrice d’emplois, il faudrait au contraire diriger les soutiens vers les exploitations dont la viabilité est affectée par des évolutions négatives de prix ou de charges. Les aides devraient donc être variables, modulables chaque année en fonction des évolutions de marché, comme c’est le cas aux États-Unis », affirmait-il. « Ces soutiens pourraient par ailleurs être plafonnés par actif afin de limiter les effets de rente, et mieux conditionnés qu’ils ne le sont aujourd’hui à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. » Alors que les négociations sur la PAC 2020 ont tout juste débuté, rien n’indique que les gouvernements soient prêts à prendre un virage aussi éloigné de la philosophie originelle de la Politique agricole commune.
Outils de la politique agricole commune depuis 1984, les quotas laitiers avaient pour but de réguler les prix du lait en fixant une limite de production laitière pour chaque État membre. Le « bilan de santé de la politique agricole commune », signé le 20 novembre 2008, y met fin. Il prévoit une augmentation progressive des quotas laitiers (1% par an) avant leur disparition complète au 1er avril 2015 afin d’assurer un « atterrissage en douceur » du secteur. L’élimination de ces quotas doit permettre « un accroissement de la production, une baisse des prix et un renforcement de la compétitivité du secteur ».
L’histoire de Lactalis est intrinsèquement liée à la famille Besnier. Le grand-père de l’actuel PDG du groupe, André Besnier, fonde la Laiterie Besnier à Laval en 1933 avec un seul salarié. Son fils, Michel Besnier, reprend l’entreprise familiale en 1955 et la fait accéder au rang de premier groupe laitier mondial. À sa retraite, en 2000, Michel Besnier passe le relais à son fils, Emmanuel Besnier, désormais à la tête du groupe rebaptisé Lactalis. Selon Forbes, le patron milliardaire de Lactalis est, depuis l’an dernier, la 8e fortune de France.
En 2008, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) met un terme à la négociation collective des prix du lait au niveau interprofessionnel, mécanisme qui permettait jusqu’alors de fixer les prix au préalable et donc, de les stabiliser. Depuis, à chaque trimestre, ceux-ci font l’objet d’une nouvelle négociation entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
L’embargo alimentaire a été décrété le 7 août 2014 par Vladimir Poutine en réponse aux sanctions économiques contre Moscou après l’annexion de la Crimée et son implication dans la guerre dans le reste de l’Ukraine. Pendant toute la durée de l’embargo, les importations russes de produits laitiers ont baissé de 78%. Si la France n’est pas directement concernée, elle subit indirectement les effets de la mesure avec le report des exportations de gros producteurs laitiers comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande, qui fait baisser le cours du beurre et de la poudre de lait en France.
Un dispositif d’écoute pour les agriculteurs en détresse a également été mis en place par la MSA en octobre 2014. Plus de 1 700 appels ont été reçus au premier semestre 2016 (285 appels par mois en moyenne), contre 300 appels en moyenne, par trimestre, en 2015. Les principaux motifs sont les soucis financiers et problèmes tels que l’isolement géographique ou relationnel des adhérents agriculteurs.
En réaction à la crise laitière de 2009 est promulguée la Loi de modernisation de l’agriculture, le 27 juillet 2010. Elle prévoit la formalisation de contrats écrits, proposés à l’agriculteur par l’acheteur des produits agricoles, et les clauses minimales de ces contrats. Ces contrats sont conçus comme des outils de régulation afin de pallier la suppression progressive des quotas laitiers et de rééquilibrer le rapport de force entre éleveurs et acheteurs de produits laitiers (transformateurs, distributeurs…).
Promulgué à la suite de la crise de 2009, le « Paquet Lait », devenu effectif à partir de 2012, est un ensemble de nouvelles réglementations européennes visant à renforcer la position des producteurs de lait dans la chaîne d’approvisionnement en produits laitiers. Il permet ainsi aux agriculteurs, moyennant certaines limites, de négocier collectivement les clauses contractuelles en se regroupant en organisations de producteurs (OP). Cependant, le volume de lait qu’une organisation de producteurs peut négocier est limité à 3,5% de la production totale de l’UE et à 33% de la production totale de l’État membre concerné.
Le GAEC ou Groupement agricole d’exploitation en commun est l’un des quatre statuts juridiques existants pour les sociétés civiles agricoles. Il est aussi l’un des plus utilisés car il facilite la transmission progressive du capital au sein de GAEC familiaux. Surtout, il permet à chaque associé de bénéficier du statut d’agriculteur et de ses avantages.
Annoncés par Emmanuel Macron en juin dernier, les États généraux de l’alimentation, qui se déroulent actuellement à Paris, réunissent entre autres tous les acteurs de la filière laitière. Leur but ? Aboutir à « une vaste remise à plat des relations entre les agriculteurs, les transformateurs de produits alimentaires et les distributeurs » afin de permettre aux agriculteurs « de vivre dignement de leur travail par le paiement de prix justes ». Au terme de ces négociations, une première « feuille de route de l’agriculture française » sera dévoilée par le ministre de l’Agriculture, dans deux mois.
Les récent États généraux de l'alimentation permettront-t-ils enfin aux éleveurs laitiers de vivre décemment de leur travail ? En crise depuis de très longues années, le secteur (sur)vit au rythme des variations de prix et des évolutions législatives. Entre fin des quotas laitiers et bras-de-fer déséquilibré avec les industriels, bienvenue dans un univers impitoyable. Pour en dessiner les contours, L'imprévu s'est rendu en Mayenne, berceau de Lactalis.
Le 18 septembre 2009, une marée blanche submerge la baie du Mont Saint-Michel. Avec « plus de 300 tracteurs », des agriculteurs venus de toute la France répondent à l’appel de l’Association des producteurs de lait indépendants (APLI) et déversent quelque 3,5 millions de litres de lait sur les plages de la Manche. Pendant les treize jours que dure cette première grève européenne du lait, des épandages synchronisés de milliers de litres de lait sont organisés en France, en Allemagne et en Belgique. Une colère qui trouve son origine dans une mesure validée, un an plus tôt, par les États membres de l’Union européenne : la fin des quotas laitiers pour 2015. Florent Renaudier, éleveur en Mayenne, s’en souvient comme si c’était hier : « De mémoire d’agriculteur, on n’avait jamais connu ça ».
C’est justement à Laval, capitale du département, que l’agriculteur m’accueille, au volant de son Peugeot Partner. « Si vous voulez comprendre comment fonctionne la Mayenne, il faut revenir à la source », glisse ce fils et petit-fils d’agriculteurs. Il me fait alors découvrir une ancienne manufacture, reconvertie en musée à la gloire de Lactalis. Impossible pour le visiteur de passage en ville de manquer ce « Lactopôle », immense fabrique du début du siècle qui retrace la saga Besnier. L’insolente réussite de cette firme familiale lui a permis de s’étendre bien au-delà des limites du département. Numéro un français du lait, Lactalis a réalisé 17,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier.
Lorsque Florent Renaudier et son épouse ont débuté, les prix du lait étaient stables et l'avenir de leur ferme assuré. Mais depuis 2009, tout a changé. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
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Le long de la route départementale qui relie Laval à la ferme de Florent Renaudier, défilent les mêmes paysages de petites exploitations, symboles d’une « France laitière » à taille humaine, au mode de gestion majoritairement familial. Sa compagne Isabelle, qui s’est reconvertie après une carrière dans la vente, fait figure d’exception : « Dans la région, on a longtemps été éleveur de père en fils ». Mais la crise qui touche la profession depuis avril 2009 ébranle ce « modèle français » pourtant rodé par la tradition. Les producteurs de lait ont progressivement perdu toute vision claire de leur avenir. Depuis huit ans, les prix fixés par l’industrie laitière ont régulièrement cessé d’être rémunérateurs pour les éleveurs, les faillites et reconversions se multiplient et, pour la première fois, les aînés détournent les nouvelles générations d’une profession dont les perspectives semblent irrémédiablement bouchées.
Il ne s’agit plus d’une crise économique, mais d’une véritable crise sociale
« Il faut bien comprendre que la crise laitière que nous traversons maintenant dure depuis des années. Il ne s’agit plus d’une crise économique, mais d’une véritable crise sociale », lâche Benoît Faucon. Comme Florent, Benoît est producteur laitier en Mayenne. Associé à son frère depuis 2006, il possède une centaine de vaches laitières. Après trois années de disette, il assure avoir récemment « remonté la pente ». Comprendre : travailler environ soixante heures par semaine pour espérer dégager un salaire brut d’environ 1 100 euros par mois… Et pourtant, Benoît ne songe pas à se plaindre. Une attitude qui lui paraîtrait presque indécente au regard de la situation de beaucoup d’autres producteurs de lait français. Selon les chiffres de la Mutuelle sociale agricole (MSA), 30% des exploitants laitiers auraient aujourd’hui un revenu inférieur à 350 euros par mois. Et 20% seraient en déficit en 2015.
Même chose pour Florent : lui aussi a vu ses finances s’améliorer ces derniers mois. Pour autant, il vit au jour le jour, dans la crainte qu’une nouvelle variation des prix ne le prive de ce confort précaire. Ce climat d’incertitude permanente est nouveau pour les éleveurs français. Sans véritablement connaître la prospérité, la plupart d’entre eux voyaient venir la nouvelle décennie avec une relative sérénité.
Depuis la fin des quotas laitiers décidée par la Commission européenne, la production de lait explose dans toute l'Europe. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
La machine se grippe
Le quotidien des producteurs a basculé en 2009. Au mois d’avril, le prix du lait chute brusquement pour atteindre son niveau le plus bas depuis 1984, date du début de la Politique agricole commune (PAC) et de la régulation du secteur.
La volatilité des prix n’était pas comparable à celle d’aujourd’hui
À cette époque, Lactalis décide de fixer unilatéralement le prix du lait à 226 euros les 1 000 litres. Problème, ce montant s’avère bien éloigné du prix rémunérateur, fixé par l’APLI à 400 euros. Il est aussi largement en dessous des coûts de production qui, au printemps de la même année, atteignent en moyenne 320 euros les 1 000 litres. En l’espace d’un an, la baisse du prix d’achat est radicale : 30%. « Avant 2009, nous avions connu des hauts et des bas, bien sûr, mais rien de comparable avec les montagnes russes qui ont débuté pendant cette période », commente Benoît Faucon. « Et puis, les bas finissaient toujours par être compensés par une reprise. La volatilité des prix n’était pas comparable à celle d’aujourd’hui. » Capable de faire la pluie et le beau temps dans tout un secteur, Lactalis plonge alors des milliers de producteurs dans l’incertitude.
Comment une telle situation a-t-elle été rendue possible ? Notamment par la suppression progressive des quotas laitiers (engagée dès 2003). Ces quotas permettaient jusqu’à présent de contrôler l’évolution de l’offre en limitant les stocks de lait produits dans les États membres. En décidant de les abroger, l’Union européenne a aligné son mode de fonctionnement sur la doctrine libérale que martèlent depuis trente ans des organismes tels que le FMI ou l’OMC. La France a décidé en parallèle de mettre fin à l’administration des prix, laissant alors aux 75 000 producteurs et 400 industriels français le soin de les fixer conjointement. Résultat, le rapport de force entre éleveurs, transformateurs et distributeurs va très vite évoluer au détriment des agriculteurs. Sortis renforcés de ces évolutions législatives, les géants du lait tels que Lactalis ont vu, quant à eux, leur pouvoir décuplé.
Espoirs vite contrariés
Le tableau n’a pas toujours été aussi sombre pour Florent et ses confrères. « Entre 2007 et 2008, c’était l’euphorie », se souvient-il. Juste avant le début de la crise financière, les éleveurs français traversent une véritable période de grâce. « Les prix sont hauts, confirme Benoît, et le gouvernement comme les syndicats nous encouragent à réaliser des investissements considérables pour nous agrandir et nous moderniser. À l’époque, on nous dit que la demande des pays émergents est en train d’exploser et qu’il y aura d’énormes besoins dans les années qui viennent. » L’optimisme est de rigueur alors que les prix atteignent jusqu’à 380 euros les 1 000 litres de lait.
Yoann et son père faisaient partie des agriculteurs qui ont manifesté devant le siège de Lactalis en août 2016 à Laval. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
Les producteurs se retrouvent coupés dans leur élan en 2008, quand les institutions financières américaines s’effondrent. En quelques mois, la crise se répand et créé un important trou d’air au niveau de la demande mondiale. L’effet sur les prix du lait s’avère immédiat : ils descendent très en deçà de 300 euros. Du jour au lendemain, des milliers d’agriculteurs allemands, belges et français se retrouvent en défaut de paiement.
La grogne monte
Du côté des agriculteurs français, la crise financière a fait du mal. Mais la coupable toute désignée de leur précarité reste avant tout l’Union européenne. C’est contre elle que s’organise le mouvement de grogne qui naît durant l’été 2009 et mobilise des éleveurs à travers toute l’Europe.
Nous voulions montrer que nous étions capables de nous mobiliser ensemble
Producteur dans l’Ain, Boris Gondouin explique qu’il a décidé de rejoindre l’Association des producteurs de lait indépendants (APLI), filiale française de l’European Milk Board, parce qu’elle prônait le retour immédiat à une régulation européenne du marché. Avec ses camarades agriculteurs, il a choisi de se mobiliser : « Nous voulions montrer aux politiques et à l’opinion publique que nous étions capables de nous mobiliser ensemble, dans toute l’Europe, pour assécher la production de lait », explique-t-il. Et pour atteindre leur objectif, la forme compte autant que le fond. Boris se rappelle avoir multiplié les opérations d’épandage dans sa commune, à Tenay. Mais la plus spectaculaire à laquelle il participe se déroule le 18 septembre 2009, fameuse date où des centaines d’agriculteurs déversent leurs 3,5 millions de litres de lait sur les plages du Mont Saint-Michel.
Une bonne élève parmi les cancres
Benoît Faucon, lui, n’a pas souhaité se joindre au mouvement de septembre. Comme son confrère mayennais Florent Renaudier, il est convaincu, dès 2009, que la réponse à la crise laitière ne viendra pas de l’Europe. « Certains États membres n’attendaient qu’une chose : la fin des quotas laitiers [définitive en 2015, NDLR], afin d’augmenter leur production et de pouvoir conquérir de nouveaux marchés », explique-t-il. « La France a décidé de rester sage et de maîtriser sa production, mais personne, à quelques rares exceptions, ne l’a suivie dans cette voie », confirme Florent. Et de fait, sur la campagne 2015-2016 — la première depuis la fin effective des quotas —, la production européenne de lait a bondi de 4,3%, allant de +1,3% pour la France à +18,5% pour l’Irlande. « L’histoire m’a donné raison », constate Benoît avec amertume. « Depuis la fin des quotas, on assiste à une explosion de la production laitière en Europe, malgré les risques que fait peser une surproduction sur les prix du lait. C’est comme si certains pays n’avaient rien retenu de la crise de 2009. »
La pression qui s’exerce sur le prix et la quantité de lait produit par les agriculteurs français n'a jamais été aussi forte. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
« L’Irlande, le Danemark ou les Pays-Bas misent tout sur l’explosion de la demande chinoise et investissent massivement dans la filière laitière », commente Benoît Royer, économiste au Centre national interprofessionnel du lait (CNIEL). « Et comme en 2009, cette demande est très largement surestimée ». Un défaut de jugement qui continue encore aujourd’hui de coûter cher à l’Union européenne et à ses producteurs : la baisse de la demande mondiale, couplée à l’embargo alimentaire russe, qui débute en 2014, font plonger le marché du lait dans une crise qui, de par sa durée comme son intensité, dépasse toutes les précédentes.
Le pire était à venir
« En 2009, on a vécu une chute très brutale des prix, mais comme la crise n’a pas duré très longtemps, au final, on a réussi à couvrir nos coûts de production », explique Florent, le producteur installé en Mayenne. Sur le trajet qui nous conduit vers l’exploitation de ses amis, il me résume la situation : « Si travailler à perte est envisageable sur quelques semaines ou quelques mois, que peut-on faire lorsque les semaines se transforment en mois, puis en années ? »
Dans notre secteur, la détresse, c’est quelque chose qui ne se dit pas
Beaucoup a déjà été dit sur le désespoir des agriculteurs. Hausse des suicides, divorces, faillites ou reconversions forcées… « Oui, autour de moi, j’ai vu beaucoup de douleur et de désarroi », confie Benoît Faucon, sans vouloir rentrer dans le détail. « Dans notre secteur, la détresse c’est quelque chose qui ne se dit pas, ou peu. C’est un sujet tabou », ajoute Florent Renaudier, sans chercher, lui non plus, à commenter les nouvelles morbides qui se succèdent dans la presse. Tandis que nous arpentons à nouveau de petites routes départementales, l’éleveur mentionne toutefois les nombreuses solutions solidaires imaginées par le département : accompagnement dans la formation, cellule d’aide psychologique mise en place par la Chambre d’agriculture… Un premier pas, encore timide au regard de la situation.
Yoann ne réclame qu'une chose, pouvoir enfin vivre de sa passion. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
Une lutte qui a caché le problème
De retour à Laval, l’omniprésence de Lactalis dans le paysage urbain me saute à nouveau aux yeux. Et si les agriculteurs s’étaient trompés de cible en désignant Bruxelles comme seule responsable de la crise en 2009 ? « Tout se serait très bien passé si la fin des prix administrés avait été mieux gérée. Rien n’a été mis en place pour contrer les effets pervers du système, hormis un ersatz de contractualisations », analyse Florent. « Un véritable désastre », confirme Benoît. « Avec le recul, on peut dire qu’il y a eu un abandon délibéré des agriculteurs par les pouvoirs publics. »
Son collègue Philippe Jehan, président de la FDSEA de Mayenne, n’a pas de mots assez durs pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics. Aux politiques, de droite comme de gauche, il reproche d’avoir multiplié pendant des années des mesures cosmétiques sans jamais oser s’attaquer au fond du problème : l’impuissance des producteurs, livrés à eux-mêmes face à la guerre des prix que se livrent les acteurs de la grande distribution. « Pendant toutes ces années, les gouvernements successifs n’ont fait que mettre des pansements sur des plaies béantes » regrette-t-il. « Ils ont tenté de mettre en place diverses aides publiques qui ne représentaient au final qu’entre 10 et 20% de l’endettement des exploitants agricoles. Mais ils ne sont jamais intervenus sur l’essentiel : une juste répartition des bénéfices entre producteurs, industriels et grande distribution. »
De fait, la pression qui s’exerce sur le prix et la quantité du lait produit par les agriculteurs français n’a guère évolué en leur faveur. Instauré en 2012, le « Paquet lait » de la Commission européenne a tenté de pallier les inégalités structurelles des rapports entre l’industrie et ses fournisseurs en rendant obligatoire l’introduction d’organisations de producteurs (OP) dans le processus de négociation des prix. « Cela partait d’une bonne intention, tempère Florent, mais avant même de parler de contrats entre l’industrie et les producteurs, il aurait fallu que Bruno Le Maire [Ministre de l’Agriculture au moment de leur mise en place, NDLR] s’assure que les producteurs avaient les moyens de s’organiser, ce qui n’a pas été le cas ».
Résultat ? Dispersés au sein d’une multitude d’organisations de producteurs aux intérêts souvent divergents, ils n’ont pas pu peser face à l’industrie. « À l’heure actuelle, nous sommes obligés de nous battre contre nous-mêmes », résume Boris Gondoin, l’agriculteur de l’Ain, avec amertume. De plus, nombre d’entre eux ont tout simplement refusé de rejoindre ces OP. En Mayenne notamment, seuls 50% des producteurs sont aujourd’hui rattachés à une de ces organisations selon Florent Renaudier. Une paille face à Lactalis et consorts.
En 2015, un agriculteur sur trois gagnait moins de 350 euros par mois. (Illustration CC BY-NC-SA Elena Scappaticci)
Le « rond-point de la honte »
L’inquiétude et l’amertume semblent n’avoir jamais quitté le regard de Yoann, 28 ans. Lorsqu’il nous reçoit dans son exploitation mayennaise, ce fils d’exploitants laitiers peine à masquer sa révolte. Il me raconte son histoire : celle d’un jeune homme passionné depuis l’enfance par le métier de son père. À 23 ans, il s’est installé à son compte en novembre 2014, soit quelques mois à peine avant le déclenchement de la nouvelle crise. Très vite, il a dû renoncer à l’indépendance et rejoindre le GAEC de son père et de ses cinq associés. Même dans ces conditions, le jeune homme continue de ne pas pouvoir se verser de salaire. Sa compagne, comptable, subvient à leurs besoins. Une situation encore inenvisageable il y a quelques années et qui plonge toute la famille dans le désarroi. « Je ne sais pas si je l’encouragerais encore aujourd’hui à se lancer dans ce métier », me confie son père, assis à ses côtés. « Je ne peux plus lui garantir qu’il pourra en vivre. »
Un prix rémunérateur, c’est tout ce que nous exigeons
« Nous ne réclamons pas grand-chose », s’exclame Yoann. « Un prix rémunérateur, c’est tout ce que nous exigeons. » L’été dernier, avec son père, ils ont manifesté pendant plusieurs jours devant le siège de Lactalis, à Laval. Sur le rond-point qui fait face à l’industriel mayennais, ils ont décidé de renommer l’endroit « rond-point de la honte ». « Honte », comme la manière dont ils estiment que le géant laitier, mais aussi la grande distribution et les coopératives, traitent les agriculteurs français. « Hier comme aujourd’hui, transformateurs et distributeurs se renvoient la balle, mais la responsabilité est partagée », complète Florent Renaudier. « C’est une véritable partie de poker menteur dont les producteurs laitiers sont les spectateurs impuissants. »
Au terme du premier round des négociations des États généraux de l’alimentation, le chef de l’État s’est engagé à modifier la loi de manière à ce que la construction des prix soit désormais basée sur les coûts de production des éleveurs, et non sur les desiderata de leurs acheteurs. « Cela va vraiment dans le bon sens », estime Florent Renaudier,« mais j’attends de voir si ces belles paroles se traduiront par des actes. Si réforme il y a, sa mise en oeuvre peut être très longue. Et pendant ce temps, les faillites continuent. »
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Chaque hiver, M6 diffuse les portraits d’une petite quinzaine d’agriculteurs et d’agricultrices. Dès lors, tous ceux qui le souhaitent peuvent leur écrire (via M6) pour tenter de les séduire. Parmi ces courriers, les candidats sélectionnent maximum dix prétendants qu’ils rencontreront lors d’un speed dating (un rendez-vous de quelques minutes seulement). Ils doivent alors décider qui sont les deux personnes qu’ils accueilleront chez eux, à la ferme, pendant une semaine avant de faire leur choix final et désigner l’élu(e) de leur cœur.
Christophe Giraud comme Véronique Louazel, chargée d’études au sein de l’association Solidarité paysans citée plus bas dans cet article, le regrettent tous les deux : rares sont les données statistiques concernant la population agricole en particulier. « Les premières données sur le suicide ont été publiées en 2013 », cite en exemple Véronique Louazel. L’agriculture sous le prisme de la production, oui. Sous le prisme de l’humain, beaucoup moins.
Difficultés financières, contraintes de travail lourdes, pressions familiales… De plus en plus, la santé mentale des agriculteurs se détériore, comme le montre l’étude de Solidarité paysans. La partie émergée de cet iceberg : les suicides. Dans le monde agricole, la « mortalité pour causes externes, dont les suicides » est nettement supérieure à celle observée dans la population générale : « 28% contre 9% pour la période 2007-2009 », indique le rapport de l’association.
Elle souhaite garder l’anonymat mais une ancienne candidate de l’émission a accepté de me répondre et de me livrer son amertume quant au programme de M6. « Le montage est extrêmement orienté, les femmes on nous fait passer pour des mégères. J’étais l’exploitante trop patronne, grosse et pas jolie, qu’on comprenne bien pourquoi j’étais seule ». En 2012, le magazine Télérama critiquait, lui aussi, le programme de téléréalité et sa manière « d’utiliser » les exploitants agricoles.
« Ça fait longtemps que tu es célibataire ? », « tu es plutôt fleur bleue ? », « t’es tactile toi ou pas ? ». Onze ans. Onze ans maintenant que, chaque été sur M6, des agriculteurs acceptent de répondre aux questions (très) indiscrètes de Karine Le Marchand et de ses prédécesseures, dans l’espoir de trouver l’amour. Que l’audience soit au rendez-vous, pourquoi pas. Mais que des exploitants agricoles continuent d’affluer en nombre pour participer à l’émission de téléréalité L’amour est dans le pré, plus étonnant non ? Sauf quand on sait à quel point la solitude fleurit dans les champs...
Un grand panneau en bois à l’entrée d’un chemin de terre : comme beaucoup d’exploitations agricoles, la ferme de La Chenaie fait son possible pour indiquer sa présence à la sortie de Sacquenay, petit village de Côte-d’Or. Si la plupart des automobilistes passant par là peuvent être happés par le bel arbre fruitier qui orne le panneau, mon regard s’arrête plutôt sur les deux prénoms qui y sont mentionnés : Éric et Florence, associés par un joli cœur.
« Attendez, je benne le cassis à la petite et je suis à vous ce que le beurre est aux épinards ». Ça, c’est Éric qui vient de revenir de l’un de ses champs de cassissiers. Agriculteur à plein temps depuis sept ans, il cultive donc des fruits — pommes, poires, cassis, groseilles —, qu’il transforme lui-même en confitures, sirops ou autres nectars. Une phrase sortie de sa bouche et l’on reconnaît déjà cette gouaille chaleureuse qui avait fait de lui l’un des personnages phares de l’été 2015 sur M6.
Éric et Florence. Ces deux prénoms, c’est l’émission de téléréalité L’amour est dans le pré qui a permis de les rapprocher. Apparu le 6 juillet 2006 sur le canal numéro six de nos téléviseurs et adapté d’un concept britannique, le programme veut jouer les entremetteurs entre des exploitants agricoles esseulés et des prétendants ou prétendantes tombés sous leur charme en les découvrant quelques minutes à la télé. Chaque été, la même recette est appliquée : entre deux gros plans sur les animaux de la ferme ou les belles campagnes françaises et une bande musicale digne de Chérie FM, des exploitants de 24 à 64 ans dévoilent sur petit écran leur intimité et leur histoire sentimentale dans l’espoir de trouver l’âme soeur. Sous le regard fidèle de trois à plus de six millions de téléspectateurs les années les plus fastes.
Il voulait chouchouter autre chose que ses pommes, Eric Méot a participé à l'émission « L'amour est dans le pré ». (Photo CC BY-NC-SA Zoé Baillet)
68 couples, 32 bébés… et les autres
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Éric faisait partie du casting de la saison 10, diffusée durant l’été 2015. Il avait, d’après la production, été sélectionné parmi 200 à 300 candidats. « C’est un ami qui m’avait inscrit », explique le boute-en-train de 57 ans. « Et face au danger, moi, je ris ! » Comme lui, 115 agriculteurs et 27 agricultrices ont pu tenter leur chance depuis onze ans. Sa participation, peu sérieuse au départ, n’a pas été du goût de Karine Le Marchand, animatrice phare du programme depuis qu’elle en a repris les rênes en 2010 : « Elle a été claire, elle m’a dit que si je faisais ça pour me marrer, ils s’en allaient. Alors je me suis autorisé à rêver… »
Papa de quatre enfants, Éric était à l’époque divorcé depuis huit ans. Si les aficionados d’ADP (le raccourci de L’amour est dans le pré sur les réseaux sociaux) se souviennent de lui, c’est autant pour ces phrases cultes dont lui seul a le secret que pour le « coup de foudre » qu’il a vécu face caméra. Avec sa « Floflo », âgée de 44 ans et mère d’une adolescente, l’alchimie a vite crevé l’écran, motivant même les deux tourtereaux à se dire amoureux après quelques jours seulement. Une fois l’émission terminée, c’est donc logiquement que leur histoire s’est poursuivie, jusqu’à parler mariage. Un scénario pas si rare puisque L’amour est dans le pré revendiquait, en septembre 2016, 68 couples formés, plus d’une dizaine de mariages et 32 bébés.
Mais en cette chaude matinée de juin, c’est bien seul qu’Éric me reçoit. Et à l’évocation de ces deux prénoms accolés sur la pancarte à l’entrée, le regard s’assombrit sans tarder, la gorge se serre. Depuis six mois, voilà l’idylle terminée. « J’ai retrouvé ma copine solitude », sourit tristement le producteur de fruits. Du côté de Bertrand Thizy ou Philippe Bornard, tous deux candidats de la saison 7, le bilan n’est pas plus positif. Le premier, éleveur de vaches laitières et maraîcher à Saint-Didier-sur-Riverie, dans les monts lyonnais, avait entamé une relation avec Justine, l’une de ses prétendantes, mais s’était présenté seul au bilan, enregistré quelques mois après le reste du tournage de l’émission. Philippe, viticulteur à Pupillin dans le Jura, n’avait pas non plus trouvé l’âme soeur. « Parmi les deux femmes que j’ai accueillies, l’une avait clairement un pète au casque et faisait ça pour passer à la télévision », commente-t-il aujourd’hui, pas rancunier pour un sou.
Quand les prés cultivent le célibat
Le célibat, un mal agricole ? En quelque sorte, d’après l’article du sociologue Christophe Giraud, « Là où le célibat blesse. L’estimation du célibat en milieu agricole », paru en 2013. On y découvre notamment que, chez les hommes âgés de 40 à 49 ans, les agriculteurs sur petite exploitation sont 23,6% à n’avoir jamais connu de vie de couple, ceux sur moyenne exploitation sont, pour leur part, 15,9%. Une proportion qui ne s’élève qu’à 8,7% sur l’ensemble de la population française. « Les agriculteurs ont une faible valeur sur le marché matrimonial », développe le professeur à l’université Paris-Descartes. « Surtout parce qu’on a toujours une image d’eux très stéréotypée : on les voit comme des ploucs, peu cultivés, un peu frustes, surtout les hommes. » Les travaux qu’il a menés le montrent : plus l’exploitation est petite, isolée, et plus le niveau d’études est faible, plus le célibat se fait prégnant.
Après une grosse journée de travail au cœur de ses dix hectares de vignes, c’est avec ses fidèles amis Coco et Bruno que Philippe Bornard m’accueille, muni d’une bouteille tout droit sortie de ses fûts et d’un pâté en croûte. « Y’a les copains, mais pas de filles », regrette-t-il, cinq ans après sa participation. Comme Éric, Philippe a eu une première vie amoureuse avant l’émission, « pendant 30 ans », avec la mère de ses deux enfants. Après quelques années à avoir « rencontré des cas avec un grand K », c’est sa secrétaire qui lui a conseillé un jour de participer. Lui n’avait jamais regardé le programme, il lui a dit « vas-y, inscris-moi si tu veux », sans trop savoir dans quoi il s’engageait. « Si j’avais mieux connu le concept, pas sûr que je l’aurais fait. »
Le célibat des agriculteurs pourrait donc avoir un peu changé de visage. Il est vrai que les statistiques évoquées plus haut et apparaissant dans le travail de Christophe Giraud datent tout de même de 1999. Aujourd’hui, « les agriculteurs font des rencontres », assure le sociologue. « Mais ils peinent à faire couple, à s’installer dans leur relation. » Et leur contexte de vie n’y est pas pour rien : « Un troisième élément influe beaucoup sur le célibat des exploitants, c’est l’environnement familial ». Philippe, Éric ou Bertrand, nos anciens participants à L’amour est dans le pré, ne cherchaient pas une épouse pour les aider sur l’exploitation, mais « quand toute une famille est mobilisée sur une ferme, on attend généralement du conjoint qu’il s’intègre et renonce à son travail, à sa carrière », indique encore l’universitaire. Cette vie, nombre d’hommes ou de femmes ne sont pas prêts à l’assumer.
Une difficulté à bâtir une relation sur la durée que les exploitants imputent également à leurs conditions de travail : « On a un peu l’emploi du temps et les responsabilités d’un cadre, mais pas le salaire », résume Bertrand Thizy. « Ça n’aide pas beaucoup, une espèce de fossé se creuse entre nous et le monde hors agricole. » Philippe, le producteur de vins naturels, est d’accord : « Nous, les viticulteurs, on a quand même une vie moins dure que les agriculteurs, on est certainement moins isolé, mais on vit aussi au rythme de la terre, du ciel, c’est une vie particulière ». Un quotidien qui ne correspond pas forcément à tout le monde et « dont ne se rendent pas compte les prétendantes avant de venir », est persuadé le sexagénaire aux yeux bleus et au sourire charmeur.
« Vous savez, mon métier, c’est un peu ma femme », tente d’imager Éric, le Bourguignon. Si, pour beaucoup de paysans, la vocation vient par obligation de reprendre l’exploitation familiale, ça n’a pas été son cas. « C’est mon grand frère qui devait être agriculteur, pas moi. » Mais ce mordu d’arbres n’a pas voulu lâcher l’affaire et, plant par plant, il est parvenu à vivre de sa passion, après des années à travailler en tant que cantonnier de sa commune. Ce métier, il en est sûr, lui a coûté sa première relation, avec la mère de ses enfants, mais aussi — en partie au moins —, celle qu’il vivait avec Florence, sa prétendante. « L’année 2016 a été catastrophique, cette vie au bord de la banqueroute n’était pas faite pour elle, je n’ai pas voulu lui imposer », développe-t-il, entre deux blagues gentiment goguenardes. « Je suis capable de vivre avec rien, tant que je trouve mes cassissiers et mes pommiers le matin. Je vis dans mon microcosme, ma première femme était déjà partie à cause de ça. »
La solitude, presque un grain de blé
« J’aurais aimé pouvoir avoir une femme, mais je n’ai ni la maison ni les moyens pour… », se désole finalement Éric qui, derrière ses airs de beau parleur un poil butineur, est loin d’être insensible. « La nature me prend tout. » Contraintes horaires, dépendance à la météo, obligation de ne jamais partir trop loin… Autant d’obstacles qui se dressent sur le chemin d’une vie à deux. Quand les agriculteurs ont déjà les moyens d’en arriver jusque-là.
Vivre d'amour et de vin frais ? Apparemment impossible, pour Philippe Bornard. (Photo CC BY-NC-SA Zoé Baillet)
Véronique Louazel est chargée d’études en santé publique au sein de l’association Solidarité paysans, un réseau d’organisations départementales qui accompagne depuis 30 ans des familles d’agriculteurs en difficulté. Lorsqu’elle a découvert le programme de M6 et ses candidats, la première question qui lui est venue n’était autre que « Mais comment ont-ils pu se libérer ? ». Depuis 2015, elle mène un travail sur la souffrance psychique des agriculteurs après que les membres de l’association ont repéré une « situation dégradée depuis une dizaine d’années ». Or, le lundi soir, les candidats qui se présentent à l’écran dans L’amour est dans le pré n’ont pas grand-chose à voir avec les exploitants qu’elle a pu rencontrer.
« Je vais vous parler de ce qu’un monsieur m’a raconté : il a eu des problèmes de santé, il se rendait à ses rendez-vous médicaux en tracteur parce qu’il n’avait pas de véhicule. Il était en redressement judiciaire, alors il n’a pas eu les moyens de faire la dernière mise aux normes qui concernait les exploitations laitières. Conséquence : la laiterie à qui il vendait son lait a fini par arrêter de lui acheter. Et bien pendant deux ans, il a continué à traire ses vaches tous les matins puis à jeter le lait. Parce que s’il vendait ses bêtes, il n’avait plus rien. » Pour des exploitants comme ce monsieur, « L’amour est dans le pré, c’est un autre monde ». Et l’isolement auquel ils doivent faire face dépasse largement le cadre du célibat, tente d’expliquer Véronique Louazel : « Plus que la solitude, c’est un sentiment d’exclusion qui leur coûte. Leur précarité les empêche d’entretenir une vie sociale, ils n’osent pas aller dîner chez des amis parce qu’ils savent qu’ils ne pourront pas rendre la pareille. Et la honte de leur situation les coupe aussi du reste du monde, la question du regard des autres est très pesante pour eux, ils se sentent seuls face à leurs problèmes. »
Au quotidien, dans les médias, les agriculteurs font malheureusement souvent parler d’eux pour les difficultés économiques qu’ils rencontrent. Mais cette réalité-là du mal-être agricole ne trouve aucun écho dans l’émission L’amour est dans le pré. « Les prétendantes ne posent jamais de question sur l’aspect financier, pourtant ça les intéresserait sûrement de savoir, elles pourraient faire demi-tour », veut gentiment interpeller Véronique Louazel.
L’envie d’aimer
Accueillir des caméras chez soi, se livrer à cœur ouvert devant des millions de téléspectateurs, draguer sans aucune intimité… Autant de pratiques qui ne semblent donc pas des plus naturelles pour des exploitants agricoles souvent discrets, amoureux de leurs terres ou de leurs bêtes et ayant peu de choses à voir avec ces jeunes gens assoiffés de gloire et de paillettes que l’on peut retrouver dans d’autres programmes. « C’est vrai que c’est plutôt très original comme concept », rit Bertrand Thizy au téléphone. Mais alors, pourquoi faire appel à L’amour est dans le pré ? Pas pour l’argent, puisque les anciens candidats l’assurent : ils n’ont pas été payés. « Et même, avec les sorties, les activités, les repas, ça nous coûte plutôt de participer ! », indique l’éleveur des monts lyonnais.
En fait, en réponse à ce « Pourquoi ? », les agriculteurs interrogés ont surtout envie de dire « Et pourquoi pas ? ». Bertrand, toujours lui, avait 26 ans en 2012, lorsqu’il a rejoint le casting. « Oui, j’étais jeune mais voilà, je voyais autour de moi mon associé, ma sœur jumelle, retrouver leur famille et leurs enfants le soir. La solitude me pesait », explique le jeune homme, pour autant très entouré et loin de se priver de sorties entre amis. « Finalement, participer à cette émission ou avoir recours à un site de rencontres, ce n’est pas si différent si ? », ajoute Philippe , son verre de « pet’ nat’ », ou vin pétillant naturel, à la main. Pour les deux participants, le principal était de pouvoir faire des rencontres sans avoir à bouger de chez eux, ou presque.
L'émission « L'amour est dans le pré », bon point pour nos campagnes ? (Photo CC BY-NC-SA Zoé Baillet)
Plusieurs années après leur participation, Bertrand Thizy, Philippe Bornard et Éric Méot le disent tous les trois : si on leur proposait une seconde fois, il ne regoûteraient pas à ADP. Parce que l’après, même s’il peut avoir un petit effet bénéfique sur les ventes, reste compliqué à gérer. « Nous, on se découvre, et tout le monde nous regarde. C’est un travail sur soi-même mais en public en fait », analyse Éric. Pour Bertrand, c’est surtout lorsqu’il a entamé une nouvelle histoire loin des caméras que le tribut a été quelque peu lourd à payer : « J’avais cette émission qui me suivait un peu, vous imaginez votre belle-famille tape votre nom sur Internet et là vous avez déjà toute une histoire qui vous suit, des photos qui sont toujours visibles, c’est compliqué… Surtout pour la personne qui vit avec vous. » L’éleveur en est convaincu : sa participation à l’émission n’y est pas pour rien dans sa dernière rupture. « Ce concept nous apporte quantité de choix, mais dans la masse, comment trouver la bonne ? », interroge quant à lui Philippe qui, l’année de sa participation, dit avoir reçu chez lui près de 300 courriers par semaine.
Bref, pas de second round pour les trois ex-candidats. Pour autant, ils l’affirment sans détour : L’amour est dans le pré, c’est un vrai service rendu aux agriculteurs. À tous ceux qui se trouvent isolés, et à tous ceux qui, mine de rien, ont depuis construit un foyer. « Bien sûr, M6 est aussi là pour faire de l’audience, ils veulent de l’action, le truc qui pourrait faire un peu le buzz », commente Bertrand, pas dupe. « Mais rien n’est mis en scène, rien n’est joué deux fois », complète Philippe. Chez les trois anciens participants, le même mot revient : la bienveillance. Le sociologue Christophe Giraud les rejoint, saluant pour sa part, un programme qui, « après avoir débuté dans le stéréotype et donné à voir des personnages qui prêtaient au rire, s’attache désormais à faire tomber cette image de l’agriculteur archaïque, coincé dans sa ferme, peu cultivé et connaissant la misère sexuelle. »
Lui qui a plus d’une fois regardé l’émission trouve qu’elle « offre une vision plutôt diversifiée du monde agricole et bien plus positive que l’image d’Épinal que l’on peut en avoir. » Comment ? En montrant tout simplement que, même isolés dans leurs campagnes et leurs exploitations, avec une vie très différente du citadin lambda, « les agriculteurs sont comme nous : ils rêvent d’amour. »
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« J’ai vu mon cheval arrêter de ventiler », confie le cavalier au journal de 20 heures de France 2 (16’55) peu après son accident. Il traversait le ruisseau du Roscoat qui débouche sur la plage de Saint-Michel-en-Grève. Le cavalier a été sauvé par des employés de l’entreprise de ramassage d’algues, témoins des faits.
La laitue de mer se consomme fraîche après une récolte au printemps. Elle se mange cuite ou crue, sa saveur est proche des épinards. Et comme pour le plat préféré de Popeye, on lui prête des atouts nutritifs intéressants en raison de sa teneur en fer.
L’Ineris a été sollicité pour estimer les teneurs en hydrogène sulfuré et déterminer la présence d’autres composés gazeux toxiques susceptibles d’être émis par les algues vertes (ou ulves) en cours de fermentation. « Ces résultats ont confirmé la nécessité d’appliquer des mesures de prévention visant à éviter l’accumulation et la fermentation des algues dans des lieux accessibles au public, par des actions de ramassage », a précisé l’Ineris.
« D’une manière générale, on peut estimer en Bretagne la part de l’azote non agricole à 5% en moyenne, cette part pouvant dans certains cas monter entre 5 et 10% du flux sortant », expliquent les scientifiques Alain Ménesguen (Ifremer), Pierre Aurousseau (Agrocampus Ouest), Patrick Dion (Ceva) et Patrick Durand (Inra).
Un an après le déclenchement du premier plan algues vertes, demandant à l’agriculture des efforts conséquents, des éleveurs ont défilé au Space, un salon professionnel, avec des panneaux « Algues vertes : arrêtez vos salades », souhaitant pointer une responsabilité partagée.
Lors du premier bilan, en 2013, une dizaine d’opérateurs étaient certifiés bio pour une production d’environ 250 tonnes d’algues par an. Au total, la production française est aujourd’hui estimée à un peu plus de 70 000 tonnes par an.
Au coeur de l’été 2009, un cheval a succombé en l’espace d’une minute, enlisé dans une mare d’algues vertes. Son cavalier, lui, s’est évanoui. Soudain, ce dossier sanitaire a quitté les seules préoccupations bretonnes pour occuper la une des journaux nationaux et internationaux. Pourquoi cet accident, qui pourrait un jour se reproduire, a-t-il tant marqué ? Huit ans après, retour sur ces batailles feutrées.
Le 28 juillet 2009, alors que le chassé-croisé des juillettistes et aoûtiens bat son plein en Bretagne, un cavalier frôle la mort à Saint-Michel-en-Grève (Côtes-d’Armor). Son cheval, enlisé dans les algues, succombe à un œdème pulmonaire en moins d’une minute, sans eau ni vase dans ses poumons. Vincent Petit, 27 ans, s’évanouit instantanément.
« C’est un chauffeur de tractopelle, chargé de ramasser les algues vertes sur cette même plage, qui a eu le réflexe de demander à deux passants de grimper dans le godet de son engin pour soulever l’homme sans mettre les pieds dans les algues. Ensemble, ils ont réussi à ne pas causer de suraccident », détaille Yves-Marie Le Lay, président de l’association Sauvegarde du Trégor et habitant d’une station balnéaire à l’ouest de la baie. Le principal suspect ? Une marée verte.
Rapidement, l’affaire fait la une des journaux locaux et nationaux. Pourtant, les marées vertes ne datent pas d’hier. Depuis le début des années 1970, les algues vertes, inoffensives et même comestibles fraîches, se sont multipliées dans les baies sableuses et peu profondes de la côte bretonne. Alimentées par les nitrates dont elles se nourrissent avec avidité, ces algues libèrent, en se décomposant, un gaz toxique à la forte odeur d’œuf avarié : l’hydrogène sulfuré.
Avant l’arrivée des algues vertes, ce gaz, issu des matières en décomposition, est longtemps resté la terreur des seuls vidangeurs et égoutiers qui craignaient le « coup de plomb », une perte de connaissance subite pouvant conduire au décès. Mais avec le développement de l’agriculture intensive dans les années 1960, le taux de nitrates des rivières, se déversant dans ces baies, a été multiplié par 10 en 20 ans.
Les marées vertes inquiètent les Bretons depuis des décennies. (Illustration CC BY-SA ludovicmauduit)
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Le premier réflexe de la préfecture est alors d’assurer que le cavalier et la monture se sont « envasés dans une zone mouvante », évacuant de prime abord l’hypothèse d’une intoxication. Vétérinaire de formation, le cavalier s’est démené pour récupérer, de justesse, le corps de son animal avant qu’il ne parte à l’équarrissage. Avec à la clef, la possibilité de pratiquer une autopsie.
Et quelques jours plus tard, quand arrive un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), commandé par la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno, c’est la consternation : l’institut révèle que des taux de 1000 ppmv (parties par million en volume) d’hydrogène sulfuré, soit un seuil pouvant « être mortel en quelques minutes », ont été mesurés sur place. Il s’agit alors de la première reconnaissance officielle du risque mortel provenant des algues vertes. Branle-bas de combat jusqu’à Matignon : les algues vertes poussent François Fillon, alors Premier ministre, à écourter ses vacances.
La prise en main politique
« C’est un coup politique », soulignent en chœur les éditorialistes, pointant l’opportunisme du Gouvernement qui occupe le terrain écologique le jour où s’ouvre l’Université des Verts.
Peut-être avait-il un peu faim, car il nous écoutait d’une oreille distraite
Reste que l’homme politique voulait marquer le coup. Non seulement il a débarqué dans cette toute petite commune de 455 habitants au dernier recensement, mais il n’est pas venu seul, embarquant dans son sillage la secrétaire d’État à l’Écologie, le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, et la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. « Il a commencé par rencontrer les agriculteurs et les élus, avant de nous recevoir vers 12 heures 30 – 13 heures », se souvient Yves-Marie Le Lay. « Peut-être avait-il un peu faim, car il nous écoutait d’une oreille distraite. »
Des panneaux alertent désormais les promeneurs des dangers des algues vertes à Saint-Michel-en-Grève. (Illustration Haude-Marie Thomas)
Autour de la table, se sont rassemblés des représentants des associations Eau & rivières de Bretagne et Halte aux marées vertes, mais aussi une victime des algues vertes, Maurice Brifault, intoxiqué en 1999 sur cette même plage de Saint-Michel-en-Grève. « Nous l’avons rencontré dans la rue, juste avant de rejoindre le Premier ministre et juste après avoir appris que l’une des invitées du monde associatif ne pouvait pas se joindre à nous. Une place était libre, nous avons décidé d’en profiter », poursuit le militant Yves-Marie Le Lay qui se souvient que l’attitude de François Fillon a changé du tout au tout lorsque Maurice Briffault a pris la parole.
Maurice Briffault est resté cinq jours dans le coma
Avec pudeur, l’homme a détaillé ce jour de 1999, lorsqu’après avoir terminé le chargement d’un tas d’algues stocké sur la plage depuis un mois, il s’est effondré sur le volant de son tracteur, victime d’un coup de plomb comme pouvaient en connaître par le passé les égoutiers. Ce sont finalement deux infirmières, venues faire un jogging sur la plage, qui lui ont administré les premiers secours. « Maurice Briffault est resté cinq jours dans le coma », insiste Yves-Marie Le Lay. « François Fillon ne pouvait plus dire que les algues vertes n’avaient pas fait de victime puisqu’il a discuté avec l’une d’entre elles ! » À l’issue de cette rencontre, le Premier ministre annonce la mise en place d’une mission interministérielle pour établir un plan d’action contre les algues vertes. Délais impartis ? Trois mois. La machine politique était lancée, faisant écho aux colonnes de journaux.
Des antécédents inaudibles
La mobilisation de l’État paraît tardive, d’autant que la première mention officielle d’un échouage massif d’algues vertes date de 1971, dans le compte-rendu d’un conseil municipal de Saint-Michel-en-Grève. Les premières traces médiatiques, elles, apparaissent dans les années 1980. Le quotidien Ouest-Francerelayait alors le cri d’alarme de l’association Eau & Rivières de Bretagne sous ce titre: « Les algues vertes : sans véritable politique de l’eau, il faudra s’en accommoder. » À l’époque, on s’inquiétait surtout de la qualité de l’eau douce et donc de l’eau potable.
Les chevaux ne sont pas les seuls à être vulnérables face aux algues vertes. (Illustration CC BY Eloise Bourns)
Il faut ajouter dix ans pour que la menace prenne une autre dimension, avec la découverte du corps d’un joggeur en juin 1989. Jacques Thérin a été retrouvé sur la plage de Saint-Michel-en-Grève, englué dans des algues en décomposition. Le premier décès lié aux algues vertes, il y a près de 30 ans. « Mais nous n’avons pas pris connaissance de ce décès à ce moment-là. Nous avons perdu dix ans… », regrette le militant Yves-Marie Le Lay, dont l’association, créée en 1976 pour contrer un projet de centrale nucléaire, se mobilise contre les algues vertes depuis le début des années 2000.
Lorsque le cheval de Vincent Petit décède brutalement, en 2009, il est impossible de passer à côté des algues qui verdissent les plages. Cette année-là, 87 983 m³ d’algues ont été ramassées en Bretagne contre près de 55 500 en 2008. Et 35 000 m³ sont concentrés sur les seules communes de Saint-Michel-en-Grève et Hillion.
« L’ampleur d’une marée verte dépend de facteurs météo – comme un hiver calme – et des dépôts datant de l’année précédente », explique Sylvain Ballu, responsable du suivi des marées vertes au Ceva, le Centre d’étude et de valorisation des algues qui suit à la fois le dossier des algues vertes et le développement de la filière des algues alimentaires. « En 2009, le démarrage de la saison a été très précoce. » Très inquiètes, les associations s’étaient mobilisées dès avril. Au printemps, le porte-parole de l’association Halte aux marées vertes, André Ollivro, apparaissait devant les caméras de Thalassa équipé d’un masque à gaz, déclenchant aussitôt un flot de commentaires ulcérés par cette attitude jugée anxiogène. Mais aussi la mobilisation de nombreux soutiens, allant jusqu’à décrocher le titre de Breton de l’année, décerné par le quotidien régional Le Télégramme à la toute fin décembre.
L’agriculture s’organise en lobby
Dans le même temps, les agriculteurs — à l’origine d’environ 95% des émissions d’azote en Bretagne —, ont mis sur pied le Comité pour une agriculture positive (Cap Bretagne) pour soigner leur image. En novembre 2009, un rapport indiquait que « la diminution visible et notable de ce phénomène ne pourra passer que par un changement profond des pratiques agricoles, ce que la profession agricole n’est pas prête à accepter pour le moment ».
La contestation du rôle des agriculteurs dans l’augmentation des nitrates fut particulièrement vive lors du salon international de l’élevage Space 2011, mais l’organisation Cap Bretagne était alors en fin de course. Jérôme Philippe, directeur de l’agence Communiqués, s’occupait des relations publiques de l’organisation. Il revient sur cette époque et confirme au passage la disparition de cet organisme en 2012 : « Nous avons mis en place des protocoles pour communiquer sur le sujet puis le relais a été passé aux acteurs de terrain, chambres d’agriculture et syndicats professionnels », explique-t-il.
Toutes les sources de nitrates doivent contribuer à la maîtrise des flux azotés
Le travail de l’image ne résolvant pas à lui seul la pollution en augmentation, restaient alors les questions financières : il aura fallu une mobilisation des associations et la mort d’un cheval cet été-là pour que des fonds soient débloqués et que le fait-divers n’en reste pas un. Le premier plan algues vertes, annoncé quelques mois après le déplacement de François Fillon, concentrait 120 millions d’euros d’investissement, dont 80 pour soutenir l’évolution de l’agriculture vers des systèmes de production à basses fuites d’azote. 12% des exploitations agricoles bretonnes étaient alors concernées. « Toutes les sources de nitrates, urbaines et rurales, doivent contribuer à la maîtrise des flux azotés. Toutefois, les sources agricoles sont largement prépondérantes », précisait le plan. Mais tous les objectifs de ce plan algues vertes n’ont pas été atteints, et ce, malgré la prolongation du dispositif jusqu’en 2016.
En France, on récolte plus d'algues qu'on en cultive, comme ici dans une écloserie des Côtes d'Armor (Illustration Haude-Marie Thomas)
Pour la zone comprenant Saint-Michel-en-Grève, l’objectif de baisse de 10% des entrées d’azote n’a été atteint qu’à hauteur de 3%. Dès 2013, le comité scientifique algues vertes tirait pourtant la sonnette d’alarme, soulignant les blocages socio-économiques et l’absence de solutions innovantes. Quatre ans plus tard, malgré les échecs du premier plan, l’heure est à la négociation du second, envisagé dans la continuité du premier. Un besoin d’autant plus pressant que les algues vertes ont fait une nouvelle victime : en septembre dernier, un joggeur décédait d’une « intoxication aigüe » dans les Côtes-d’Armor.
Un impact économique conséquent
En parallèle, la Bretagne, dont le tourisme représente 8% du PIB, ne pouvait rester les bras croisés face à ce qui s’annonçait comme une crise pour les acteurs locaux. Le Comité régional du tourisme (CRT) a donc été le premier à réagir, au cœur de l’été 2009, pour rassurer les vacancières et vacanciers potentiels en publiant un communiqué… promptement retiré sous la pression des associations environnementales et devant le décalage qui se creusait entre les mots choisis et la prise de conscience politique. Le CRT prit donc quelques mois pour élaborer une communication de crise avec à la clef pour les journalistes, un voyage de presse visant à soigner l’image de la région.
« Le sujet des marées vertes a été traité assez objectivement, tout en tenant compte des efforts entrepris par tous les acteurs bretons avec le soutien financier de la Région et de l’État », s’est réjoui le comité. Entretemps, en 2011, un rapport interne fuitait, dévoilant que la crise des algues vertes, symbolisée cet été-là par la mort de 36 sangliers, intoxiqués sur le sable de la baie de Saint-Brieuc, représentait un manque à gagner de 800 000 euros sur la période estivale.
Nous avons rappelé qu’il n’y avait aucun risque de contamination
Plus discrets, les acteurs du secteur maritime ont, eux aussi, souffert de l’impact des marées vertes. Les algues colmatent les filets de pêche, les tables à huîtres et les bouchots à moules, obligeant à davantage de manipulations. La présence d’estuaires touchés par les marées vertes à proximité de concessions d’algues alimentaires peut également faire obstacle à la labellisation bio, autorisée pour la culture d’algues depuis 2010, même si les unes ne peuvent pas contaminer les autres. « Nous sommes intervenus pour soutenir un producteur d’algues en Bretagne Nord car sa concession était située dans une zone englobant un estuaire touché par les marées vertes », explique ainsi Sylvain Ballu, du Centre européen d’étude et de valorisation des algues. « Nous avons rappelé qu’il n’y avait aucun risque de contamination. »
Les algues vertes ne deviennent toxiques que lorsqu’elles sèchent au soleil, dans des baies abritées et peu profondes, loin des concessions d’algues alimentaires exposées aux courants du large. La principale menace pour le secteur maritime reste donc une question d’image. Or, après un hiver calme, la saison 2017 s’annonce une nouvelle fois très verte. Les premiers dépôts ont été observés dès le mois de mars. La pollution aux algues vertes n’a pas fini de faire des vagues.
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